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HISTOIRE DES SCIENCES

Publié le par Dr KONATE Mahamoudou

T.D HISTOIRE DES SCIENCES : LICENCE II

Introduction

Pourquoi un cours sur l’histoire des sciences en Licence II de philosophie ? Répondre à une telle préoccupation revient avant tout à légitimer une réflexion philosophique sur la science. En effet, même si le champ des connaissances humaines est très étendu, il faut reconnaître qu'en ce début de vingt et unième siècle, la science est le type de connaissance qui a le plus influencé l'environnement physique, social, intellectuel et même spirituel de l'homme. Comme le souligne Robert Oppenheimer, « les idées scientifiques ont renouvelé la conception que les hommes se font d'eux-mêmes et de l'univers ».[1]

D’où l’urgence d’une réflexion sur la science, ses principes et méthodes, la dynamique de son progrès, les valeurs qu’elle suscite et sa relation avec les autres dimensions de la culture humaine. C’est dans cette optique que nos travaux dirigés consisteront à porter un regard critique sur la révolution copernicienne. Il s’agira, plus précisément, d’analyser les conditions d’émergence de l’héliocentrisme ainsi que les implications épistémologiques et philosophiques de cette théorie.

I. Généralités

1) Définition de la science

Par opposition aux "Lettres" (et à la philosophie considérée comme faisant partie des "Lettres"), la science désigne toute connaissance rationnelle élaborée à partir de l’observation, du raisonnement ou de l’expérimentation. Même si l’histoire de la pensée scientifique est incapable de fournir une définition assez claire et objective du terme "science", elle nous permet cependant de savoir que la science, de façon générale, est synonyme de savoir. À ce titre, la science peut être appréhendée comme la somme actuelle des connaissances scientifiques ou comme une activité de recherche ou plus précisément comme une méthode d’acquisition du savoir.

2) L’histoire des sciences

L’histoire des sciences est la discipline qui étudie l’ensemble des activités scientifiques passées en préservant leur dimension temporelle ou chronologique. Par conséquent, l’approche de l’historien diffère de celle du scientifique dans la mesure où ce dernier néglige le développement historique de sa discipline pour ne s’intéresser qu’aux résultats considérés aujourd’hui comme vrais. L’histoire des sciences s’intéresse aussi aux crises, à la caducité des lois et théories, à l’apparition de nouvelles hypothèses, etc.

Il faut noter qu’il existe deux approches extrêmes, et même parfois antagonistes, de l’histoire des sciences. Elles se distinguent surtout par la façon dont elles délimitent leur objet d’étude. La première, dite internaliste, s’attache surtout à montrer comment apparaissent, se développent, et parfois même disparaissent certains thèmes, problèmes ou idées envisagés dans le cadre d’une logique qui serait interne à chaque discipline scientifique. La seconde approche, dite externaliste, paraît à première vue moins abstraite dans la mesure où elle juge indispensable de prendre en compte certains facteurs que l’approche internaliste juge accessoires, voire superflus. Par exemple, alors que l’internaliste prétendra qu’il est possible de suivre ou de dégager une filiation historique cohérente entre des problèmes, des théories, des expériences, de nouvelles théories, etc., l’externaliste jugera cette approche insuffisante et cherchera à montrer que toute recherche de filiation scientifique ne peut s’affranchir du contexte social, politique ou religieux dans lequel s’élabore l’activité scientifique.

En fait, aujourd’hui la plupart des historiens cherchent ou optent pour une voie médiane entre un internalisme étroit incapable de rendre compte de certains facteurs du développement des sciences, et un externalisme tellement libéral qu’il ne parviendrait même plus à assigner la moindre limite au domaine scientifique.

3) L’importance de l’histoire des sciences

Face aux incertitudes et à certaines ambiguïtés liées à la science, quelle discipline autre que l’histoire de la science mérite-t-elle aujourd’hui la parole ? En effet, comme le souligne René Taton : « Touchant à la fois aux sciences, à la philosophie et à l’histoire générale, l’histoire des sciences se trouve dans une situation toute spéciale, à la frontière même des sciences humaines, des sciences pures et des techniques. Sa position privilégiée dans une zone de fécondes confluences en fait un instrument culturel de haute valeur. Elle apparaît ainsi comme l’un des principaux fondements du nouvel humanisme scientifique dont la mise en valeur est rendue si nécessaire par le développement rapide et la spécialisation sans cesse plus précoce des études scientifiques. Les efforts entrepris pour étendre sa diffusion commencent d’ailleurs à porter leurs fruits et de nombreux pays ont déjà introduit l’étude de l’histoire des sciences, aussi bien dans les programmes de l’enseignement supérieur scientifique que dans ceux de l’enseignement du second degré ».[2]

Toute étude sérieuse en philosophie des sciences ne peut négliger un aspect aussi essentiel à la compréhension de la science elle-même. En un mot, on ne peut discuter véritablement de la nature de la science qu’à partir de son histoire. Les progrès de chaque science s’effectuent il est vrai par inventions et renouvellements, mais toujours sur le fond des connaissances antérieures accumulées. C’est pourquoi l’étude de l’histoire des sciences est absolument requise pour qui veut comprendre et interpréter le sens et la portée des découvertes actuelles. À ce sujet, Gusdorf affirme que « celui qui s’interroge sur la signification de la science doit remonter de proche en proche vers le passé, car le sens du devenir est toujours fourni par la flèche du temps. On saura mieux où va la science quand on connaîtra avec précision d’où elle vient. Mieux connue, l’aventure scientifique de l’esprit humain aura une valeur exemplaire : on y déchiffrera d’une manière très nette et directe les attitudes maîtresses, les caractères fondamentaux de la raison militante, dans un domaine privilégié, où elle ne subit pas le contre-coup des aberrations de toute espèce qui faussent trop souvent le jeu de la spéculation ».[3]

Le but de l’histoire des sciences vise avant tout la réintégration de la science dans la grande famille dispersée de l’universitasscientarum. Mais aussi en revenant sur le caractère évolutif des vérités scientifiques, l’histoire des sciences fait sortir la science selon les termes de Yacouba Konaté de son "ghetto de discipline fermée" pour devenir une ouverture sur le monde. C’est pour tenter de comprendre un peu plus ce monde que nous nous intéresserons à la théorie héliocentrique et à ses implications philosophiques, éthiques et épistémologiques

II. Du géocentrisme à l’héliocentrisme

1) L’astronomie et son histoire

La science qui s’intéresse aux planètes et à leurs mouvements est l’astronomie définie comme l’étude de la structure et des mouvements des astres dans l’univers. Cette étude s’étend à l’ensemble des astres tels que les planètes et leurs satellites, les comètes, les astéroïdes, les étoiles, ou encore les galaxies. Elle se divise en plusieurs branches dont l’astrométrie, qui étudie les positions et les mouvements des astres ; la mécanique céleste, qui fournit une explication mathématique de ces mouvements par la théorie de la gravitation ; l’astrophysique, qui étudie la composition chimique des astres et leurs propriétés physiques par analyse spectrale ; enfin, la cosmologiequi s’intéresse à la structure et à l’évolution de l’Univers.

Il faut noter que dès l’aube de l’humanité, l’homme s’intéresse au ciel, sans doute par crainte des phénomènes météorologiques et astronomiques (orages, éclipses, comètes). Les mouvements du Soleil et de la Lune l’aident à se repérer dans le temps, tandis que les étoiles l’informent des époques favorables aux moissons. Puis les voyageurs, et en particulier les navigateurs, apprennent à s’orienter en observant les astres. L’astronomie dans ses débuts est étroitement liée à l’astrologie : les peuples associent les astres à des divinités dont il faut s’assurer la bienveillance. C’est pourquoi les premiers astronomes, en particulier les astronomes égyptiens et babyloniens, sont avant tout motivés par leurs croyances religieuses.

2) Le géocentrisme

Le géocentrisme est un modèle physique ancien selon lequel la terre se trouve immobile, au centre de l’univers. Cette théorie qui date de l'Antiquitéa été notamment défendue par Aristoteet Ptolémée (100-170). Mais le géocentrisme est autant une tentative scientifique d'expliquer l'universqu'une conception philosophique de ce monde. Il repose sur deux principes :

  1. la Terreest le centre de l'univers, immobile de lieu (par l'an) et de position (par jour) : les changements des saisons et de jour et nuit se font donc par mouvements extérieurs à la Terre.
  2. les mouvements des planètes(au sens ancien, le mot planète inclut le Soleil et la Lune, mais pas la Terre) doivent être parfaits, donc seul le cercle est autorisé, les mouvements angulaires ou rectilinéaires étant considérés comme brusquement abrupts, forcés.

On trouve déjà dans la cosmologie des premiers philosophes grecs (Anaximandre, Anaximène, Thalès), les traces d’une thèse géocentrique selon laquelle la terre est plate, les astres sont des corps fixés sur des sphères en révolution. On retrouve également cette théorie dans la philosophie de Platon qui voit la Terre comme une sphère au centre de l'univers, entourée d'une sphère d'eau alors que les 7 planètes évoluent dans une région intermédiaire. Toutes ces sphères tournent de manière uniforme autour d'un même axe. Quant à Héraclide Du Pont (388 - 310), il propose un modèle mixte, de type géo-héliocentrique: Vénus et Mercure tournent autour du Soleil, tandis que la Terre reste stationnaire, les révolutions autour de son axe expliquant le mouvement apparent des corps célestes. Cependant, aucun de ces modèles ne permet d'intégrer le mouvement rétrogradede certaines planètes, ni les variations de vitesse dans les mouvements. Il faut attendre, pour cela, le modèle d'Aristote.

a) Aristote (384-322)

Dans le modèle géocentrique d’Aristote, la Terre est ronde. L'univers, alors fini dans l'espace, se divise en deux parties : le mondesublunaire et le monde supralunaire. Le premier concernant tout ce qui est situé sous l'orbite de la Lune(la Terreet son atmosphère), est symbole de mouvement, d'incertitude, continuellement altéré et instable. Il semble ne répondre à aucune loi et est plutôt hasardeux. Les êtres vivants naissent, changent, et meurent. Le second, quant à lui, est immuable, parfait, stable et éternel. Rien ne peut s'y créer ni disparaître. Les astres sont portés par des sphèresconcentriques et se déplacent à différentes vitesses, suivant une trajectoirecirculaire, car le cercle (et par la même occasion, la sphère) était, d'après les pythagoriciens, la figure parfaite. La dernière sphère était celle des astres fixes (les étoiles) ; la première celle de la Lune.

Cependant un problème se posait quant à la trajectoire des planètes. Celles-ci semblaient, par moments, revenir en arrière quelque temps avant de reprendre leur course dans le sens « normal », c'est la rétrogradation.

b) La théorie des épicycles

Pour expliquer le mouvement de rétrogradation, les géocentristes vont recourir à la théorie des épicycles.Selon cette théorie, les planètes tournent sur un épicycle (sorte de cercle concentrique) qui lui-même tourne sur un déférent. Ce système permet de modéliser le mouvement rétrograde des planètes.Cette nouvelle théorie, généralement attribuée à Hipparque (190-120)mais basée sur les travaux d'Apollonius de Pergaapparaît au IIe siècle av. J.-C.Les planètes tournent sur des roues appelées épicycles. Ceux-ci tournent eux-mêmes sur une autre roue (appelée déférent) dont le centre est la Terre. La rotation simultanée des deux permettait d'obtenir un mouvement complexe, éventuellement rétrogradeet d'expliquer celui des planètes et de la Lune, en préservant en grande partie les présupposés philosophiques de l'époque.

L'élaboration de ce système constitue un progrès capital dans l'astronomie antique. En décomposant les mouvements complexes des astres en cercles parcourus par ceux-ci à vitesse constante, on rendait possible la confection de tables astronomiques très précises et très fiables. Ces tables permettront, par exemple, les premiers calculs d'éclipse solaire. Dès lors, la théorie géocentrique, fût-elle fausse, fonctionnait.

C) Le système de Ptolémée (100-170)

La première et la plus célèbre œuvre de Ptolémée, écrite à l'origine en grec, fut l'Almageste. Dans ce traité, Ptolémée proposa une théorie géométrique pour décrire de manière mathématique les mouvements apparents des planètes, du Soleil et de la Lune.Pour ce faire il s’appuya sur la théorie géocentrique qui admettait que la Terre était fixe et au centre de l'univers ainsi que les travaux d’Apollonius(262 – 190), géomètre et astronome grec. Ce dernier avait élaboré unetable des phénomènes qui est une suite des nombres qui expliquent le mouvement des astres.Il faut noter que le succès du système de Ptolémée repose sur le fait que ses explications concordaient avec la plupart des observations faites par les astronomes.

d) L’héritage du géocentrisme

Certains courants, souvent d'inspiration chrétienne, persistent à défendre le modèle géocentrique. Les arguments présentés se basent parfois sur des résultats de la physique du XXe siècle : attribution du résultat nul de l'expérience de Michelson-Morleyà l'immobilité de la Terreprétention que la relativité met tous les référentiels sur le même plan. Il faut noter que la plupart des argumentations sont souvent basées sur une mauvaise compréhension de la physique: Conservapediapar exemple affirme qu'aujourd'hui les physiciens emploient aussi bien la théorie héliocentrique que la théorie géocentrique, confondant modèle et théorie (faire les calculs dans le référentiel géocentrique ne signifie pas qu'on croit que la Terre est immobile, mais que l'on sait que le résultat du calcul correspondra à la réalité même en faisant cette hypothèse). The Final Theory, livre de Mark McCutcheon défendant le géocentrisme, prétend que la physique actuelle est incapable d'expliquer comment la lumière accélère en passant du verre à l'air (confondant vitesseet quantité de mouvement).

2) L’héliocentrisme

Théorie selon laquelle le soleil est au centre de l’univers.

a) Les précurseurs

Contrairement à une idée répandue, Copernicn'a pas inventé l'héliocentrisme. Cette hypothèseest beaucoup plus ancienne, mais elle a eu du mal à se diffuser en Occident car, d'une part, elle semblait être en contradiction avec un certain nombre d'observations comme le mouvement apparent du Soleil dans le ciel ou le fait que tout semble attiré par la Terreet, d'autre part, elle s'opposait à certains dogmesreligieux. La première mention connue de l'héliocentrisme se trouve dans des textes védiques (religions hindoues) datant des IXe et VIIIe siècles av. J.-C.

Au Ve siècle av. J.-C., Philolaos de Crotoneest le premier penseur grec à affirmer que la Terre n'était pas au centre de l'Univers. Il fait tourner notre planète en un jour autour d'un « Feu central ». Comme elle tourne sur elle-même également en un jour, ce feu central nous est invisible et nous percevons uniquement sa lumière reflétée par le Soleil.Héraclide du Pont, disciple de Platonet d'Aristote, propose vers 340 av. J.-C. une théorie héliocentrique pour les orbites de Vénuset de Mercure, tout en gardant le principe du géocentrisme pour la Terre. Il soutient aussi la thèse de la rotation de la Terre sur elle-même en son axe, afin d'expliquer le mouvement apparent des étoiles au cours de la nuit.

L'astronome et mathématicien Aristarque de Samospousse plus loin le raisonnement d'Héraclide. Ayant évalué le diamètre du soleil, il émetl'hypothèse que, puisque le diamètre de celui-ci est beaucoup plus important que celui de la Terre, c'est autour de lui que doivent tourner les autres planètes.Au XIVe siècle, des auteurs comme Jean Buridanou Nicole Oresmeont abordé la question de la possibilité du mouvement de rotation diurne de la Terre. Un siècle plus tard, Nicolas de Cuesréexamine ces travaux et postule, en se basant sur des arguments théologiques, que la taille de l'Univers n'est pas finie, et que la Terre est un astre en mouvement, de même nature que ceux que l'on voit dans le ciel.Dans son Codex Leicester paru en 1510, Léonard de Vinci découvre que la lumière cendréede la Lune est due à la réverbération de la Terre. Il émet l'hypothèse que la Terre est un astre de même nature que la Lune.

b) La révolution copernicienne

L’histoire de l’astronomie connaît un tournant important au XVIe siècle grâce aux apports de l’astronome polonais Nicolas Copernic (1472-1543). Dans son traité intitulé De revolutionibusorbiumcoelestiumlibri VI (1543), il critique le modèle géocentrique de Ptolémée et montre que les mouvements des planètes peuvent s’expliquer par un système héliocentrique. En fait, la théorie copernicienne est seulement une réorganisation des orbites planétaires imaginées par Ptolémée.Le système imaginé par Copernic qui va annoncer l'abandon progressif du système géocentrique repose sur une série de postulats :

  • La Terre n'est pas le centre de l'Univers, mais seulement le centre du système Terre/Lune ;
  • Toutes les sphères tournent autour du Soleil, centre de l'Univers ;
  • La Terre tourne autour d'elle-même suivant un axe Nord/Sud ;
  • La distance Terre/Soleil est infime comparée à la distance Soleil/autres étoiles.

Ces postulats lui permettent de placer les différentes planètes dans le bon ordre par rapport à leur distance au Soleil. Il n'est donc plus nécessaire de faire appel aux épicyclespour expliquer les mouvements rétrogrades.

3) Les théories hybrides

Au XVIe siècle, l'astronome danois TychoBrahé (1546-1601), repense totalement la conception géocentrique de Ptolémée. Connaissant le modèle héliocentrique de Copernic, il ne pouvait l'accepter, pour des raisons religieuses plus que scientifiques. Ses observations le conduisent cependant à élaborer un modèle personnel hybridemélangeant géocentrisme (quant à l'Univers) et héliocentrisme(quant au Système Solaire, sauf la Terre) : la Lune et le Soleil tournent autour de la Terre — qui reste le centre de l'Univers — tandis que les planètes tournent autour du Soleil.Bien que la théorie de Brahé sur les mouvements célestes soit imparfaite, les données qu’il rassemble joueront un rôle déterminant dans l’élaboration d’une description fidèle du mouvement planétaire. Johannes Kepler (1571-1630), assistant de Brahé à la fin de la vie de celui-ci, utilisera ces données pour énoncer ses trois lois sur le mouvement planétaire en retournant à l'hypothèse héliocentrique.

4) Les partisans de Copernic

Grâce à ses observations, Galiléemontre les failles du système géocentrique et prouve la cohérence du système héliocentrique.À l'aide d'une lunette astronomique, il révise un certain nombre de résultats expérimentaux :

  • les variations des tailles de Mars et Vénus deviennent visibles, tout comme les phases de Vénus prédites par Copernic.
  • il observe les lunes de Jupiter, ce qui invalide l'argument qui rendait la Lune incapable de suivre la Terre dans sa révolution.
  • il découvre le relief lunaire, qui invalide la conception aristotélicienne de l'invariabilité du monde supralunaire.

Il réalise des expériences sur des plans inclinés et introduit la notion de principe d'inertie qui explique pourquoi les corps tombent à la verticale.

b) Isaac Newton (1646-1727)

Le physicien anglaisNewton interprète les lois de Kepler d’un point de vue physique. En 1687, il établit la loi de la gravitation universelle, qui démontre l’existence d’une force attractive entre le Soleil et chacune des planètes. Cette force dépend des masses du Soleil et des planètes, ainsi que des distances qui les séparent. Par cette loi remarquable, Newtonpropose une formulation mathématique de la gravitationet des lois de mécaniques qui permettent de démontrer les lois empiriques de Kepler. À partir du XVIIe siècle l'héliocentrisme devint progressivement la représentation du monde communément adoptée en Occident.

III. Les conséquences de la révolution copernicienne

a) Les controverses

La théorie héliocentrique a été l’objet de plusieurs controverses dont certaines perdurent encore de nos jours :

- Si la Terre tourne sur elle-même, comment se fait-il que les objets restent à sa surface alors quela poussière qu'on jette sur une pirouette pendant qu'elle tourne n'y peut demeurer, mais est rejetée par elle vers l'air de tous côtés ? Et comment se fait-il que la Lune accompagne la Terre dans son mouvement de rotation autour du Soleil ?

- Si la Terre est en rotation autour du soleil, elle doit se déplacer à une très grande vitesse. Or, quand on laisse tomber une pierre du haut d'une tour, elle en tombe précisément au pied : c'est bien que la tour, et donc la Terre à laquelle elle est attachée, est restée fixe pendant la chute de la pierre.

- Il devrait y avoir constamment un vent d'est, comme le vent relatif que l'on ressent en se déplaçant à grande vitesse.

- Le De revolutionibusOrbiumCoelestiumparaît en 1543. Malgré la prudence de sa préface, écrite par son ami Andreas Osiander, et qui précise que le système héliocentrique est un simple modèle mathématique permettant d'améliorer les calculs, l'ouvrage n'est pas bien perçu par les autorités religieuses. Le pasteur protestant Lutherle traite de sot, et argue que le Soleil ne peut être fixe car Josuéa pu lui ordonner de s'arrêter (Josué 10,13). La Sainte Inquisitionlui emboîte le pas en déclarant la thèse de Copernic incompatible avec les Saintes Écritures.

- De plus, certains passages de l'Ancien Testamentétaient interprétés comme impliquant le géocentrisme, selon les traductions (par exemple dans le Psaume 93 « Aussi le monde est ferme, il ne chancelle pas. », le mot « chanceler » pouvant être remplacé par « bouger »).

- Cette nouvelle conception du monde est à l’origine d’une sanglante controverse scientifique marquée notamment par la condamnation à mort de Bruno Giordano (1548-1600) et l’abjuration de Galilée. Le procès de Galilée est particulièrement important, car il marque ce que certains considèrent comme un conflit entre la science et la religion. Dans tous les cas, le procès de Galilée devint le symbole de l'opposition entre les nouveaux scientifiques et les autorités religieuses. De plus, le refus de lire la Bible littéralement en matière de science devint plus tard essentiel dans l'opposition entre créationnismeet théorie de l'évolution.

a) Les implications épistémologiques et philosophiques

- L'idée que la Terre devait être au centre de l'Univers découlait en grande partie d'une vision du monde. Aristote, en effet, avait construit un système suivant des critères d'esthétique (exigence de sphères parfaites) et de l'importance qu'il attribuait aux objets. Il s'agit d'un modèle surtout intuitif, qui attribue des comportements différents aux objets terrestres et célestes. Ce caractère intuitif est initialement la force du modèle géocentriste : l'homme ne ressent pas de mouvement de la Terre, et les objets célestes ne tombent pas comme les objets terrestres. Mais selon les critères, le rôle prépondérant de l'intuition fait juger ce modèle comme non scientifique.

- L'exigence de perfection des sphères se retourna aussi contre le géocentrisme ; la découverte par Galilée des cratères lunaires le confortait dans la critique de ce modèle.

- À partir de la révolution copernicienne, la science devient expérimentale et se détache des préoccupations théologiques et métaphysiques. Grâce à la loi de la gravitation, le vieux problème du mouvement des planètes est réétudié dans le cadre nouveau de la mécanique céleste. En perfectionnant les télescopes, on peut examiner avec précision la morphologie des planètes, découvrir de nouvelles étoiles et mesurer des distances stellaires.

- Abandon de la physique qualitative d’Aristote au profit de la physique mathématique de Galilée. Aristoten'a jamais pensé à calculer le temps que met une pierre lâchée pour atteindre le sol, simplement parce que sa conception du monde sublunaire n'avait rien à faire avec une telle quantification. Cette expérience a dû attendre Galiléepour être réalisée.Ces quantifications ont permis à la nouvelle physique de Galilée et de Newton d'atteindre une exactitude auparavant non conçue. Le domaine de la science se précise comme le champ de l’explication par la cause par rapport à la vieille explication finaliste qui relève de la métaphysique objective et déterministe.

- Abandon de l’univers fini et hiérarchisé au profit d’un univers infini et unifié où les mêmes lois sont valables pour tous les phénomènes. Désormais, les lois scientifiques doivent se déduire uniquement à partir de l’observation des faits en dehors de toute autre considération.

- Dans un "univers" décentré, l’homme n’occupe plus une place privilégiée, il est relégué au même rang que tous les autres éléments de la nature.

IV. Le débat actuel sur l’héliocentrisme

Copernic fait du Soleil, le centre, non seulement du système solaire, mais de l'univers tout entier. Il imagine d'autre part une sphère des étoiles fixes. Cette vision est remise en cause par Giordano Brunopar exemple, mais les techniques expérimentales de l'époque ne permettaient pas d’aboutir à une conclusion scientifique sur la nature des étoiles.En 1783, William Herschelanalyse le déplacement du Soleil en observant le mouvement propre de 14 étoiles. Il découvre que le Soleil se déplace à la vitesse de 20 km/s. Le Soleil n'est donc pas immobile dans l'univers. Mais, Herschel le place quand même au centre de la Galaxie.L'idée d'un centre de l'Univers a aujourd'hui perdu de son sens avec le modèle cosmologique du Big Bang.

Conclusion

Le sage nous apprend dans Ecclésiaste que « qui accroît sa science accroît sa douleur » et la science, cela est indéniable pose aujourd'hui de nombreux problèmes. Ces problèmes concernent aussi bien les crises internes du progrès scientifiques que les conséquences philosophiques et épistémologiques de ce progrès. Ainsi, en plaçant le Soleil au centre du monde, Copernic et ses adeptes commettent un geste iconoclaste qui aura des répercussions considérables sur l’ensemble des cultures humaines. L’histoire des sciences en nous révélant cette dimension du progrès scientifiquedépouille l’actualité de la science de ses prestiges les plus illusoires. Elle situe l’œuvre scientifique dans le devenir de la pensée humaine, et parfois elle évite de rejouer les batailles déjà gagnées ou perdues. Seule l’histoire de la science permet de définir l’identité de la science ; seule, elle peut rattacher le présent fugitif à la longue marche du cheminement humain vers un enrichissement d’humanité car « la vérité humaine, vérité en devenir ne peut être qu’une vérité du devenir ».[4]

Dr KONATÉ

komahfr@yahoo.fr

gereaphilo.over-blog.com

[1] Oppenheimer (J.R.), La science et le bon sens, (Paris, Éditions Gallimard, 1955), p. 11

[2]Taton (R.), Histoire générale des sciences T.I La science antique et médiévale, pp. VI-VII

[3]Gusdorf (G.), Les sciences humaines et la pensée occidentale T.I De l’histoire des sciences à l’histoire de la pensée, p. 133

[4]Gusdorf (G), Les sciences humaines et la pensée occidentale T.I De l’histoire des sciences à l’histoire de la pensée, p. 316

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