Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LES FEMMES ET LA CULOTTE

Publié le par Dr KONATE Mahamoudou (université Alassane Ouattara)

Les dessous, je veux dire les sous-vêtements, ont joué un rôle moteur dans l’émancipation de la femme. Émancipation toute en ambiguïté, ceci dit. En effet, le sous-vêtement est un moyen pour la femme d’exprimer son pouvoir dans un monde réputé dominé par les hommes, en même temps qu’il la renvoie dans la sphère privée, dans sa posture de dominée. Le sous-vêtement a bien été un enjeu entre les sexes. Son histoire, une lutte pour le pouvoir. Le combat pour la culotte en est un exemple remarquable. Porter la culotte. L’expression est cocasse et n’est pas sans rappeler tout un pan de l’histoire domestique, sociale et culturelle.

Le port de la culotte est un enjeu multiséculaire dans cette guerre des sexes à laquelle hommes et femmes se sont livrés avec acharnement, et ce depuis la plus haute Antiquité. Ceci dit, l’histoire de la culotte commence véritablement au Moyen-âge quand les hommes ont cherché à distinguer leur costume de celui des femmes. Ce furent les braies et les culottes – aux allures de caleçon court – qu’ils choisirent. Les femmes, elles, étaient interdites de ce genre de linge, exception faite de la période de menstruation. Alors elles étaient autorisées à se protéger de bandages blancs (blanc non par coquetterie mais pour des raisons hygiéniques). C’est à cette époque qu’apparaît l’expression « porter la culotte » dans son acception actuelle, soit : être l’égale de l’homme. Les femmes voulaient porter la culotte, quand les hommes le leur refusaient obstinément, craignant pour leur propre pouvoir de domination, redoutant la révolution (au sens étymo-ontologique du terme). Ce combat pour la culotte, affront s'il en est, a été abondamment discuté dans les textes et par l’iconographie ; ainsi, ce sermon du XIIIème siècle: « Le monde n’est plus ce qu’il était. Jadis, l’épouse était fidèle à son époux et paisible auprès de lui comme une brebis ; aujourd’hui ce sont des lionnes. Bien plus, elles veulent porter la culotte ».

Quelques dates importantes qui ont jalonné l’histoire du combat pour le port de la culotte. A la fin du XVIème siècle, Catherine de Médicis parvient à introduire un caleçon, baptisé « bride à fesses ». Il permet aux femmes de pratiquer l’équitation. Mais le triomphe du protestantisme et du rigorisme moral a tôt fait de restaurer un costume strict, conservateur et austère. Des vêtements sombres emprisonnent désormais le corps, une collerette tuyautée – une fraise – enserre le cou, des chemises chrétiennes trouées au niveau du sexe pour la procréation remplacent le caleçon – qu’il soit, soit dit en passant, masculin ou féminin. Au XVIIème siècle, les femmes ne sont toujours pas habilitées à porter la culotte. Les chroniqueurs de l’époque, comme les fabricants de tabatières se font d’ailleurs un plaisir de raconter des anecdotes truculentes à propos de chutes de cheval ou de coups de vent.

Jusqu’au XVIIIème siècle, la culotte féminine est strictement réservée aux femmes de petites vertus : catins des rues et aristocrates frivoles. C’est sous le Directoire que s’opère une première étape décisive dans l’histoire du sous-vêtement féminin et de l’émancipation de la femme quand les Merveilleuses commencent à mouler leur corps dans un vêtement de couleur chair. La chose est cependant très mal acceptée dans ce monde largement masculin de l’après Révolution. Une image d’Épinal met en garde : « A qui portera la culotte commandera dans le ménage ». Et un moraliste de rajouter : « Les femmes honnêtes ne portent pas la culotte ». Malgré tout, une révolution des mœurs est en marche. Au XIXème siècle les hommes conservent la main mise sur le droit pour la femme de porter la culotte ou non. Ce dernier est soumis à des autorités spéciales. Il est régulé par la préfecture de police. Il est toléré pour la bicyclette et le bain de mer.

Quelques figures féminines marquent ces années troubles où le pouvoir masculin tente d’arraisonner et de dominer des femmes qui de plus en plus montrent des velléités d’émancipation, d’indépendance, et même d’égalité. C’est une traque qui est lancée, et ce jusque dans les sphères les plus intimes. George Sand adopte le pantalon pour afficher son émancipation. Ce faisant, elle revendique les mêmes droits que ses confrères masculins. Colette, elle, opte pour le costume masculin. Dans son combat pour porter la culotte, la femme convoite des attributs masculins dominants. Combat qui bientôt a pour ligne de mire le pantalon. Cette lutte multiséculaire pour le port de la culotte entre les sexes a toujours été tournée en dérision. En attestent les deux pics précédents.

Quel long parcours il aura fallu parcourir pour que la femme puisse enfin porter la culotte et que l’on voit fleurir au liseré de pantalons moulants des strings de toutes les couleurs, qui ne choquent plus.

Commenter cet article
C
What a lovely idea about gift..Nice to read this interesting post..I LOVEEE FRUGAL GIFT GIVING!
Répondre